DROIT CIVIL

 

 

 

La responsabilité Civile

 

 

LA FAUTE

Exposé préparé par:

Ghada NOHRA

Fouad RIZKALLAH

 

 

Sous la direction du:

Docteur Fady Nammour

 

La faute est une condition spécifique de la responsabilité personnelle. L’article 1382 C.Civ.fr. est explicite à cet égard: “ Tout fait quelconque de l’homme , qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.”

A côté du fait personnel qui est identifié à la faute, il existe des cas de responsabilité pour le fait d’autrui ou pour le fait des choses

La responsabilité fondée sur la faute est une responsabilité subjective : la faute est une défaillance dans la conduite, supposant une défaillance dans la volonté.

La responsabilité fondée sur le risque est une responsabilité objective : elle a son siège dans le rapport de causalité objective qui remonte du dommage à celui qui l'a causé

Les deux systèmes diffèrent quant au "fardeau" de la preuve : dans la responsabilité subjective, la victime ne peut obtenir réparation qu'à charge de prouver la faute, ce qui implique une recherche psychologique et une appréciation morale. Dans la responsabilité objective, il ne revient à la victime que de prouver que le dommage a été matériellement engendré par l'activité du défendeur. Néanmoins, il existe des systèmes intermédiaires entre la faute prouvée et le risque, tels que la faute présumée : si la faute est présumée, la victime n'a plus à prouver la faute et l'on se rapproche de la responsabilité fondée sur le risque.

la faute comme fait générateur de la responsabilité comporte deux éléments:

    1.  
    2. Un élément objectif qui réside dans le décalage entre la conduite requise de l’ensemble des sujets de droit dans telle ou telle circonstance et la conduite que l’auteur du dommage a effectivement observée au moment où il a posé le dommage.
    3.  
    4. Un élément subjectif, que l’on désigne souvent par l’expression imputabilité, qui exprime l’aptitude du sujet à assumer psychologiquement et moralement les conséquences de ses actes.

Pourtant, ce second élément n’a en réalité jamais eu, en Droit français la même importance que le premier, et il s’est peu à peu effacé.

Le fait personnel reproché à l’auteur d’un dommage dont la responsabilité est mise en cause réside toujours dans la méconnaissance d’un devoir ou la transgression d’une norme obligatoire. Si cette norme a été créée par un contrat, ou si elle est rattachée à un contrat, on est en présence d’une faute contractuelle ou exactement inexécution d’une obligation contractuelle. Si elle ne trouve pas sa source, dans un contrat mais dans la loi, le règlement ou la jurisprudence, Il s’agit alors d’une faute délictuelle ou quasi-délictuelle. La différence entre délit et quasi-délit tient en principe à l’élément intentionnel, mais il est plus fréquent de désigner la faute intentionnelle par l’expression faute dolosive, et de qualifier délictuelle toute faute extra-contractuelle.

La faute paraît alors comme de nature variante selon sa source. Quelles seraient les éléments de distinction entre la faute délictuelle et la faute contractuelle? Et serait-elle une conception indispensable et rigide dans son principe pour que la victime d’un préjudice puisse avoir accès à un droit de réparation?

Nous étudierons dans une première partie la distinction entre la défaillance contractuelle et la faute dite délictuelle. Dans une seconde partie nous exposerons la Faute comme élément essentiel de la responsabilité civile.

I- Distinction entre la Défaillance contractuelle et la Faute délictuelle

Qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, la Faute engage en principe la responsabilité civile de son auteur, sans qu’il soit nécessaire de constater sa gravité.

Autrement dit, toute faute, même légère, suffit à engager la responsabilité de celui-ci qui, en commettant cette faute, a causé un dommage.

  1.  
  2. Relativité de l’étendue exacte des obligations contractuelles dans l’appréciation de la Défaillance contractuelle

L’article 1147 C.civ. ne parle pas des fautes, mais d’inexécution de l’obligation. On admet aujourd’hui de façon générale, que la faute contractuelle doit s’entendre précisément de l’inexécution par l’un des contractants de l’une des obligations créées par le contrat ou rattachées à celui-ci.

Pour définir la faute contractuelle deux difficultés se présentent fréquemment: d’abord, il faut déterminer, en présence d’un contrat donné quelles sont les obligations engendrées par ce contrat.

En outre, pour savoir si le débiteur a réellement méconnu son obligation, il faut souvent apprécier la portée de cette obligation. Il existe des obligations contractuelles plus ou moins strictes, et l’appréciation de la réalité de l’inexécution dépend très souvent du niveau de sévérité que les parties ont assimilé à l’obligation.

Le problème qui se pose est à quoi donc était tenu le débiteur? C’est en effet au regard de l’obligation convenue que s’apprécie la défaillance du débiteur et, partant, le droit aux dommages et intérêts du créancier. La question de la détermination des obligations contractuelles présente deux aspects. D’une part, à côté des obligations expressément convenues, les tribunaux ont décelé des obligations, accessoires à ces dernières, considérées comme une suite naturelle du contrat: Ainsi l’obligation de sécurité ou l’obligation de renseignement. Or la détermination de ces obligations implicites ne va pas de soi. Surtout, exprimé ou implicite, elles peuvent mettre à la charge des contractants des prestations dont l’intensité varie selon les hypothèses: L’obligation de soin du médecin à l’égard de ses patients n’est pas identique à celle du transporteur d’acheminer sains et saufs les voyageurs. La jurisprudence, inspirée par la doctrine, a ainsi imaginé diverses distinctions quant aux obligations contractuelles, parmi lesquelles, les plus notoires sont les obligations de moyens et de résultats et, sans qu’il y ait cette fois une opposition entre elles, les obligations de sécurité et de renseignement.

 

 

  1.  
  2. Obligations de moyens et obligations de résultats.

 

La doctrine contemporaine a proposé une analyse fondée sur la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultats. Cette opposition prend en considération le fait que les obligations sont diversifiées, les unes imposant un résultat déterminé au débiteur, les autres, la simple mise en oeuvre d’un certain nombre de diligences.

Si, par définition, le débiteur ne s’engage pas à atteindre un but déterminé, le contractant promet d’essayer de l’atteindre. Son obligation n’est pas tellement un fait qu’il faudrait à tout coup accomplir. C’est plutôt l’effort d’un homme, un effort constant, persévérant, tendant à adopter l’attitude la plus appropriée pour se rapprocher de l’objectif fixé, en prenant en compte ses capacités et les possibilités offertes par “l’industrie humaine”.

Tantôt, le débiteur ne promet rien d’autre que de mettre au service du créancier les moyens dont il dispose, tous ses moyens, de faire toute diligence pour exécuter le contrat, de faire tout son possible, ou de son mieux.

Dans l’obligation de résultat, le débiteur s’engage plus avant que l’obligation de moyens , il peut promettre au créancier de lui procurer un résultat déterminé et précis. Ainsi, l’obligation de transférer la propriété d’un bien, l’obligation de restituer la chose empruntée, l’obligation de délivrer la chose vendue ou de construire tel édifice, sont des obligations de résultat. Le créancier n’accepte pas que le doute puisse exister sur la certitude du résultat attendu. Le contenu de l’obligation paraît donc être le résultat lui-même. Pour l’atteindre, le débiteur devra mettre en oeuvre les moyens mais ceux-ci ne sont pas pris en considération.

Bien que figurant dans le droit positif, la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat a été, et est encore violemment critiquée par certains, jusqu’à suggérer de la supprimer. La distinction présente un certain intérêt. Mais ce rôle se borne à déterminer sur qui pèse le fardeau de la preuve de l’inexécution du contrat, lors de lmise en jeu du régime de la défaillance ou de tout autre mécanisme correcteur. Lorsque le débiteur aune obligation de résultat, le créancier n’a pas à établir la faute du débiteur, il lui suffit de prouver que le résultat promis n’a pas été obtenu. Au contraire, si le débiteur n’assumait qu’une obligation de moyens, la charge de la preuve pèse sur le créancier. Mais il a été démontré que quelque soit l’étendue de l’obligation, c’est toujours au créancier qui réclame l’exécution forcée d’établir qu’il n’a pas reçu la prestation promise et c’est toujours au débiteur qui se prétend libéré de prouver le fait qui produit l’extinction de son obligation; simplement, l’objet concret de la preuve à faire par l’un ou par l’autre dépend de ce qui a été promis, ce qui rend la preuve plus ou moins difficile pour l’un ou pour l’autre.

La célèbre dichotomie est toute relative. Elle n’est pas un reflet fidèle de la réalité, dont elle ne rend compte que très imparfaitement. D’abord parce que les deux obligations sont parfois intimement mêlées dans un seul et même contrat. Beaucoup de contrats comportent à la fois des obligations de moyens et des obligations de résultat. Le médecin, tenu d’une obligation de moyens quant aux soins, peut l’être par une obligation de résultats pour les appareils qu’il utilise. Il pèse sur le restaurateur une obligation de sécurité de moyens pour l’aménagement des locaux, mais elle est de résultat pour l’obligation de sécurité relative à l’innocuité des aliments utilisés.

L’allégement de l’obligation de résultat, souvent méconnu, résulte de l’article 1732 C.civ. en vertu duquel le preneur, dans le louage d’immeubles est implicitement tenu par une obligation de résultat atténué quant aux dégradations et pertes qui arrivent pendant sa jouissance. Les Parties peuvent aussi par une clause contractuelle transformer une obligation qui, par nature serait de moyen, en obligation de résultat, ou bien une obligation de moyen normal en obligation de résultat.

Mais c’est surtout la jurisprudence qui a développé ces catégories nouvelles, particulièrement l’obligation de résultat atténuée qui s’est beaucoup répandue.

Il appartient au garagiste réparateur, tenu d’une obligation de résultat, de démontrer qu’il n’a pas commis de faute. Cela signifie que le garagiste pourra s’exonérer en établissant: soit que l’inexécution est imputable à une cause étrangère; il renversera ainsi la présomption de causalité (Usure de l’engin, par exemple que doit accréditer l’écoulement d’un long délai entre une première intervention du garagiste et une panne postérieure; Intervention, entre-temps d’un autre garagiste; ou encore fait de son propriétaire.

Panne du treuil d’un tracteur récemment réparé, alors que le garagiste avait seulement une mission de le remettre en état à moindre frais, les pièces détachées étant fournies par le client, professionnel en la matière; soit du moins qu’il n’a pas commis de faute: renversement de la présomption de faute, il s’est comporté comme un bon garagiste, conformément aux données acquises de sa pratique. Mais le doute quant à la cause exacte de l’inexécution doit profiter au client. C’est là l’essence des obligations de résultat il appartient au propriétaire du véhicule de démontrer que l’incident de ce dernier a trouvé son origine dans le circuit électrique sur lequel le garagiste était intervenu. Sont aussi tenus par une obligation de résultat atténuée l’emprunteur quant à la restitution de la chose , ou le locateur d’ouvrage quant aux détériorations des choses qui lui ont été confiées et sur lesquelles il travaille.

L’obligation est de résultat dans la mesure où elle n’est pas aléatoire. L’aléa ne porte pas sur l’existence mais sur le contenu de l’obligation dont l’existence ne fait pas l’ombre d’un doute, l’aléa n’a donc rien à voir avec celui qui caractérise le contrat aléatoire.

“L’obligation assumée par un éditeur de fabriquer ou de faire fabriquer un ouvrage est une obligation de résultat, dans la mesure où cette tâche ne comporte aucun aléa particulier”

Au contraire, si le résultat recherché est aléatoire, il ne peut donc pas faire l’objet de l’obligation. L’obligation est de moyen puisque le résultat n’est qu’une diligence ou un certain comportement du débiteur. Le succès dans cette hypothèse ne dépend pas seulement de l’attitude du débiteur, mais aussi d’autres facteurs sur lesquelles il n’a pas de prise. L’aléa exclut en toute équité l’obligation de résultat, car il rend incertain le succès de l’opération. “D’où l’échec dans la poursuite du résultat, ne permet pas de présumer la responsabilité du débiteur.”

Ainsi, le médecin ne peut pas promettre la guérison de son malade, car elle ne dépend pas seulement de ses soins diligents: elle est en grande partie déterminée par des éléments impondérables hors de sa puissance. La guérison est soumise à des aléas. Le risque est attaché à l’acte médical; du reste, l’intérêt du malade impose souvent au praticien de prendre des risques délibérés. Plus généralement, chaque fois que la prestation touche à la vie et à la nature, l’obligation ne peut être que de moyen.

De même, toute prestation intellectuelle, dont les contrats d’étude, toutes les activités de conseil, relèvent par nature de l’obligation de moyen, et tous les contrats de formation ou d’enseignement.

La jurisprudence montre que le rôle de la victime détermine la nature de l’obligation liant les contractants. Lorsque le créancier reste grandement maître de ses mouvements, de ses actes, garde un rôle actif, conserve son indépendance dans l’exécution, le débiteur n’est tenu que d’une obligation de moyens, car l’inexécution résultera souvent de son propre comportement.

A l’inverse, la victime se confie-t-elle à son cocontractant, en abandonnant presque tout libre arbitre et la plus grande partie de son autonomie, qu’il y a obligation de résultat, comme il en est lorsqu’un voyageur s’en remet à un transporteur, ou un élève dans un appareil piloté par un moniteur.

L’acceptation des risques écarte toute obligation de résultat. Si la passivité du créancier, dans l’obligation médicale au sens large, aurait appelé une obligation de résultat, celle-ci laisse place à une obligation de moyens parce que le malade a accepté volontairement les risques normaux inhérents à la matière. En revanche, l’acceptation des risques laisse subsister la responsabilité du débiteur fautif qui exécute mal son obligation de moyens. “La victime n’a pas consenti à un relâchement de la diligence du débiteur”. L’acceptation des risques n’est pas une cause d’exonération partielle de la responsabilité du débiteur sauf si elle est fautive. Les arrêts doivent donc relever une faute de la victime pour diminuer ou refuser une indemnité de ce chef . Dans l’arrêt de la deuxième chambre civile, du 17 mai 1995, l’acquisition d’une maison située en contrebas d’une falaise présente des risques d’éboulement. LA cour s’est basée sur la distinction selon laquelle la dépréciation invoquée est antérieure ou non aux éboulements.

Mais comment expliquer que, dans d’autres situations, l’activité du créancier ne s’oppose pas à ce que l’obligation du débiteur soit analysée en une obligation de résultat? A fortiori, l’obligation du débiteur devrait être de moyen. C’est que dans ces hypothèses, l’aléa n’a pas été accepté par le créancier: Au contraire, il a pu légitimement croire que le débiteur avait tout mis en œuvre pour limiter les risques dans l’exécution de la convention et qu’il ne s’exposait donc à aucun danger particulier.

Enfin, la participation active du créancier est créatrice d’un aléa pour le débiteur, puisque le but visé ne dépend plus seulement de son attitude, mais d’autres facteurs qui sont indépendants de lui.

Quant à l’acceptation des risques, sa simple appellation marque bien qu’il y a un aléa; Soit que celui-ci existe nécessairement dans telle obligation par sa nature, soit qu’il ait été créé par le créancier, qui a commis une faute, comme le spectateur à titre onéreux d’une rencontre sportive ou d’un spectacle se plaçant trop près des joueurs.

2- Les obligations de renseignement et de sécurité

L’obligation desécurité est forcément relative à la personne du contractant. Il n’y a pas donc obligation de sécurité à propos des choses, la jurne mettant à la charge des restaurateurs qu’une obligation de surveillance, pour la sauvegarde des effets des clients.

L’obligation de sécurité a d’abord été entendue comme une obligation de résultat: Rendre le voyageur sain et sauf, ce qui présentait un avantage considérable pour le créancier. S’il arrivait blessé à destination, il lui suffisait de prouver l’existence des lésions, un point c’est tout.

Alors que la jurisprudence étendait peu à peu le domaine de l’obligation de sécurité, elle restreignait la portée de l’extension en considérant que, “le plus souvent, l’obligation de sécurité n’est qu’une obligation de moyens: prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du contractant. La victime doit alors prouver une faute de l’autre partie, ce qui enlève à la construction une bonne part de son intérêt.”

Il est même possible que cette faveur supposée qu’est l’obligation de sécurité se retourne contre son bénéficiaire dans la mesure où, à défaut de cette suite du contrat, il eut pu mettre en jeu la responsabilité délictuelle, notamment l’article 1384 al.1 c.Civ fr. Dans la plupart des cas, le dommage a en effet été causé par la chose du cocontractant.

Un critère permettant de répartir les obligations de sécurité parmi les obligations de moyens ou de résultat est nécessaire.

La jurisprudence n’est que d’un maigre secours, car elle se contente de donner des solutions au coup par coup sans chercher à établir des règles générales. Il n’est pas possible de poser une norme universellement valable qui aurait vocation à épouser toute la réalité.

Lorsque la victime a joué un rôle actif, il ne pourrait s’agir que d’une obligation de moyens. Si le créancier a conservé une certaine liberté de manœuvre, que sa participation active figure parmi les circonstances de l’opération, il est impossible de reconnaître une obligation de sécurité-résultat. Chacun doit veiller à sa propre sécurité. C’est la reprise d’un des critères doctrinaux de la distinction des obligations de moyens et de résultat en général. Seule la considération que la victime a contractée dans la croyance légitime qu’elle ne s’exposait à aucun danger particulier serait de nature à justifier la qualification d’obligation de résultat, d’où la jurisprudence relative aux obligations d’auto-tamponneuses, de toboggans aquatiques.

Toutefois, ce critère est bien fragile. En effet, la qualification de l’obligation de sécurité dépend d’une appréciation éminemment relative. En raison de quelles circonstances, ou à partir de quand est-il possible de considérer que le créancier de l’obligation participe activement à l’exécution du contrat, ce qui suppose de définir la participation active et en quoi elle se distingue de la participation passive? D’autre part, à supposer établie la participation active, est-il certain que l’aléa dans l’exécution avait été accepté par le créancier: avait-il parfaitement conscient des risques qu’il courait?

Sans doute, les obligations de sécurité n’ont d’intérêt que si elles sont de résultats. Donc, il est à souhaiter que disparaissent totalement les obligations de sécurité qualifiées de moyen. Les dommages corporels ne constituent pas des défaillances contractuelles, sauf le contrat porte sur la personne de la victime. Ils relèvent de la responsabilité délictuelle. Cette solution n’a pas d’effet sur le régime de la défaillance contractuelle et celui de la responsabilité délictuelle, dans la mesure où le contrat ne comporte pas réellement cette obligation.

La convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les ventes internationales de marchandises, dispose qu’elle “ ne s’applique pas à la responsabilité du vendeur pour décès ou lésion corporelle causée à quiconque par la marchandise.”

La découverte des obligations de renseignement a également contribué à adapter le contrat aux évolutions économiques et techniques du monde contemporain sur les liens pouvant exister entre les deux obligations, l’obligation d’information permettant au créancier d’éviter de subir un dommage à sa personne ou à ses biens.

Le débiteur de cette obligation est le plus souvent un professionnel, mais l’obligation d’information existe aussi dans les contrats conclus entre non-professionnels. Dans l’arrêt du 21 juillet 1993 de la troisième chambre civile, O.Tournafond a observé en précisant que l’obligation d’information se limite alors à la communication des seules informations détenues par celui qui en est débiteur, cette détention devant être prouvée par le créancier de l’information.

En toute hypothèse, il s’agit d’une obligation accessoire de nature contractuelle, dont la violation met en jeu le régime de la défaillance contractuelle de son débiteur, dans la mesure où une relation contractuelle existe bien entre les parties, ce qui n’est pas toujours le cas. Il est possible d’y voir, en vérité, une application du devoir plus général de collaboration entre les parties découlant de la bonne foi devant dominer les rapports contractuels.

Il faut aussi distinguer entre l’obligation d’information et l’obligation de conseil, mais la portée de cette opposition ne doit pas être exagérée. Elle tient seulement à l’étendue de l’information, qui est susceptible de moins ou de plus, différences de degrés plus que de nature. La distinction est plus intellectuelle que pratique. Les arrêts emploient généralement un mot pour l’autre, quand ce n’est pas ensemble.

Dans l’obligation d’information, le contractant prévient son cocontractant des risques et avantages de telle mesure ou acte envisagé; il l’éclaire afin que son choix sont effectué en pleine connaissance de cause.

La Cour de Cassation a adopté ce point de vue par l’important arrêt Hédreul, selon lequel: “ Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation.”

La jurisprudence a reconnu l’existence de cette obligation dans de nombreux contrats. L’architecte et l’entrepreneur sont tenus d’informer leurs clients quant aux travaux et aux aspects juridiques, ainsi que les incidents qui peuvent survenir sur le chantier et, lors de la réception, des conséquences juridiques d’une absence de réserve quant aux désordres apparents.

L’obligation d’information a subi une extension représentée par le devoir du débiteur de se renseigner. Pour informer autrui, encore faut-il être informé personnellement. Le débiteur de l’information a donc l’obligation de se renseigner lui-même. “Tout vendeur d’un matériel doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s’informer des obligations de son acheteur.”

Mais le plus souvent, l’information doit être recherchée auprès de tiers, dés lors que cette recherche préalable est nécessaire, et demeure dans les limites raisonnables.

L’ignorance légitime, excusable, du simple particulier, ne l’est pas du professionnel; Il faut à chaque fois tenir compte des compétences respectives des parties, que le juge doit donc mettre en balance pour définir l’intensité exacte de l’obligation d’information.

La jurisprudence prend en considération les compétences respectives des parties. En outre, il arrive que le débiteur est dans l’obligation de se renseigner sur le créancier lui-même de l’information dont l’ignorance ne deviendra légitime qu’à cette condition.

En tout cas, il appartient au créancier de prendre connaissance lui-même des caractéristiques de la chose et, en tant que de besoin, d’interroger le professionnel pour obtenir des informations.

Or il existe la limite du droit de se taire. Le contrat médical illustre cette limite particulière. Le médecin, ou le chirurgien, n’est tenu d’informer le patient que des risques habituels, parce qu’ils sont inhérents au traitement ou à l’opération.

Le droit de se taire, c’est aussi celui du fournisseur d’un équipement technique qui, s’il doit exactement informer son client des caractéristiques de son produit et de ses adaptations possibles, n’est pas tenu, en revanche, de lui apporter des informations sur l’d’autres produits offerts par des entreprises concurrentes.

L’obligation de conseil d’autre part, impose à son débiteur une charge plus lourde que la simple ode renseignements. Elle implique nécessairement que le contractant informe son partenaire mais il est tenu à des diligences plus étendues.

En réalité, dans la pratique, “il est généralement malaisé de différencier l’obligation de renseignement de l’obligation de conseil, leurs frontières étant floues.”

Le conseil étant la mise en relation d’un renseignement avec l’objectif poursuivi par le destinataire de celui-ci, l’obligation de renseignement est difficile à distinguer de l’obligation de conseil toutes les fois que le débiteur connaît ou ne pouvait légitimement ignorer cet objectif.

Enfin, il faudrait préciser la nature de cette obligation. Serait-elle une obligation de moyens ou une obligation de résultats?

Il est d’abord certain que l’obligation matérielle de délivrance des conseils est de résultat, d’autant plus qu’aujourd’hui, la jurisprudence a adopté cette solution pour la simple obligation d’information. Une question se pose aussi sur la pertinence et de l’étendue des conseils donnés. En principe, l’obligation n’est que de moyen, car l’efficacité du conseil échappe au pouvoir du donneur de conseils.

Enfin, après avoir déterminé exactement la nature des obligations contractuelles pour définir par la suite la défaillance causée par le non-respect de ces obligations, il est important de noter que la faute contractuelle peut être plus ou moins grave et nous allons voir que ces degrés dans la gravité de la faute ne sont pas sans conséquences.

  1.  
  2. La Faute délictuelle de Droit Commun

La Faute civile délictuelle et quasi-délictuelle n’est pas vraiment définie par la loi. Mais la seule indication figure dans l’article 1383 du code civil français : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait , mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

L’apport essentiel de ce texte consiste à préciser que la négligence et l’imprudence entre dans la catégorie de la faute civile, mais ce ne sont pas les seules fautes possibles.

En revanche, la notion de fait visée par la première proposition du texte n’est pas précisée. Il faut l’entendre comme un actif positif par opposition à la simple abstention ou comme un acte volontaire ou intentionnel par opposition à l’Imprudence involontaire.

On ne peut tirer de la formule légale aucune certitude a priori. C’est la jurisprudence qui a pu donner un contenu à la notion de faute civile, or la Cour de Cassation s’est reconnue dans ce domaine un rôle important en affirmant que la faute civile est une notion de Droit, ce qui lui permit d’exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits souverainement constatés par les juges du fond présentent les caractères juridiques de la faute.

C’est précisément à partir de très nombreuses décisions par lesquelles la Cour de Cassation a exercé son contrôle que l’on peut définir aujourd’hui la faute comme la violation d’un devoir qui n’est pas justifiée par un fait justificatif.

Les variétés de fautes sont innombrables, il est impossible de les passer toutes en revue. Il est cependant utile de classer les principaux faits constitutifs de fautes délictuelles, au sens large, en les regroupant dans les deux intitulés suivants:

  1.  
  2. Les agissements fautifs
  3. Il y a faute à violer une règle de conduite. La faute peut consister, d’abord, dans la violation d’une règle légale: La règle écrite est transgressée; la faute s’évince assez facilement de cette transgression. Mais le plus souvent, les imprudences, inattentions et négligences de tous ordres sont des manquements à des règles coutumières dans la détermination desquelles l’appréciation du juge joue alors un rôle plus important.

    Il faut entendre le mot loi au sens le plus large possible, qui comprend toutes règles écrites. Toute transgression d’une loi impérative ainsi entendue au sens large est a priori une faute. Il en va spécialement de la sorte lorsque la loi est assortie d’une pénalité. Le Doit pénal agit comme un révélateur de l’illicite dans la responsabilité civile.

    La violation d’un texte impératif entraîne la responsabilité de son auteur, sans avoir besoin de relever une quelconque négligence ou imprudence de sa part, et même si la disposition légale n’a pas été édictée pour protéger la victime. Il y a même délit aujourd’hui, en l’absence de préjudice, d’imprudence ou de négligence, dans la simple mise en danger délibérée de la personne d’autrui, du moins, lorsque la loi la prévoit.

    La norme fondamentale dont la méconnaissance est constitutive d’une faute civile peut émaner d’une coutume, dans l’acceptation la plus large de ce mot. C’est aussi le cas de la coutume stricto sensus et surtout les usages, notamment professionnels ou sportifs. Les règles de l’art recueillis ou non dans un code professionnel d’éthique ou de bonne conduite, dès lors qu’ils ont été consacrés par la jurisprudence.

    La méconnaissance de dispositions d’un code de déontologie est également constitutive d’une faute pouvant fonder une action en responsabilité délictuelle.

    Il y a faute à ne point se comporter comme l’eût fait, placé dans les mêmes circonstances de temps, de lieu et d’action, un bon père de famille, homme ou femme, personne physique ou personne morale. Les usages règlent la vie en société. Un bon père de famille respecte donc les usages, notamment professionnels, les règles de jeux, voire les préceptes de la politesse qui sont pris en considération lorsque leur transgression revêt un caractère injurieux ou est de nature à jeter la suspicion sur celui qui pâtit.

    Telles sont les contraintes de la vie en société qu’observe le bon père de famille.

    Le bon père de famille agit avec prudence et habileté. L’appréciation a lieu abstraitement, avec toutefois un correctif tenant à la qualité de l’agent et aux circonstances dans lesquelles il s’est trouvé. Les fautes contre l’habileté sont des actes, ou omissions, de maladresse physique, ou intellectuelle, commis en dehors de l’exercice d’une profession, soit à l’occasion d’une activité professionnelle.

    Comme tous les moyens de communication, l’utilisation de l’Internet est susceptible de causer des dommages. Naviguer sur le Web, participer aux forums ou adresser son courrier par l’e-mail, sont autant d’occasions de porter atteinte à la réputation, au respect de la vie privée, aux secrets des correspondances. Comme toujours, les articles 1382 et 1383 du C.Civ. sont d’un précieux secours, en l’absence d’un droit spécifique, pour protéger les victimes de cette nouvelle technique.

    À défaut d’une jurisprudence réelle fournie, se développe une jurisprudence virtuelle émanant d’un tribunal virtuel, qui rend des décisions généralement suivies par les internautes.

    Le commerçant qui ne vérifie pas la conformité de la signature apposée sur le ticket de caisse par rapport à celle qui figure sur la carte de paiement.

    Bafouer la morale peut engager la responsabilité de la personne qui s’engage dans cette voie. Sans doute, le droit ne cherche-t-il pas à élever la moralité du citoyen, mais à faire respecter une morale élémentaire destinée à protéger diverses institutions, tel le mariage.

    Il est clair que la morale dont il s’agit est la morale laïque, bien moins exigeante que la morale religieuse, singulièrement catholique encore qu’elle ait été fortement imprégnée par cette dernière, qu’elle en découle directement. Toute faute contre l’honnêteté qualifiée de crime, de délit ou de contravention, constitutif par conséquent d’une infraction pénale, est en même temps une faute civile. Mais les fautes résultant de la violation d’une règle morale ne sont pas limitées à celles qui constituent en même temps une faute pénale.

    Bafouer les bonnes mœurs est illicite, comme ce qui contrevient a la loi. La difficulté réside dans la détermination de ce qui est conforme aux bonnes mœurs, c’est à dire dans la définition de cette notion.

    Une reconnaissance mensongère d’enfant naturel peut engager la responsabilité de son auteur. La solution est ancienne, mais connaît, ces dernières ées un inquiétant regain d’application alors même que la loi du 3 janvier 1972 a admis que l’auteur de la reconnaissance peut la contester. La demande de dommages et intérêts est en effet fondée sur “lfait que celui qui a volontairement reconnu en légitimité un enfant qu’il savait ne pas être le sien, a contracté vis-à-vis de l’enfant l’obligation de se comporter comme père et que l’inexécution de cet engagement résultant de la reconnaissance et la légitimation subséquente est génératrice d’un préjudice moral et matériel devant être réparé par des dommages et intérêts.

    Ont été jugés fautifs les faits suivants:

    Publier un ouvrage obscène sous le voile d’un pseudonyme empruntant la personnalité d’une chanteuse en renom.

    Se livrer à des actes impudiques sur sa fille

    En revanche, la prostitution n’est pas une faute en soi et la prostituée victime d’une agression peut donc obtenir réparation du dommage qu’elle subit dès lors que son activité n’en est pas l’origine.

    La tendance jurisprudentielle est caractérisée par un passage de la sanction des comportements immoraux à la sanction des comportements contraires à la dignité humaine. C’est là un phénomène de sécularisation ou de laïcisation de la jurisprudence conforme à la montée en puissance, y compris dans la législation, du concept de dignité: “La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie”

    L’abus de droit fait partie de la responsabilité civile, car user d’un Droit contrairement à sa finalité, détourner une fonction ou un pouvoir, et agir sans mobile légitime, est commettre une faute, car un homme avisé, prudent et raisonnable, n’agirait pas de la sorte. La jurisprudence ne s’y est pas trompée, elle se réfère aux articles 1382 et 1383. D’où l’exigence, à côté de la faute, d’un préjudice particulier à autrui ou d’un risque de préjudice afin d’empêcher qu’il naisse.

    L’abus de Droit est une faute dans l’usage des droits. Il suppose donc un droit qui est détourné de sa finalité. Cette théorie doit être distinguée avec soin de la faute commise sans aucun droit, ou en sortant des limites de son droit.

  4. La faute d’abstention ou d’omission

La faute peut consister non seulement en un fait actif, mais en une simple abstention, une omission.

Il y a abstention dans l’action, lorsque l’auteur du préjudice, se livrant à une activité particulière, s’abstient de prendre toutes les précautions qui seraient nécessaires pour que cette activité ne cause pas de dommage à autrui, c’est le fait pour un automobiliste de ne pas freiner à temps.

L’abstention se rattache à une action, en raison de la généralité des termes des articles 1382 et 1383, nul ne conteste que cette abstention puisse engager la responsabilité de son auteur. Il en est ainsi, non seulement lorsqu’un texte impose l’acte omis, mais encore en l’absence de toute disposition impérative.

L’article 1383 évoque le domaine spécial de la négligence en précisant que le négligent est celui qui ne prend pas, en agissant, les précautions souhaitables. L’omission dans l’action est donc autant une variété de faute par omission qu’une espèce de faute par commission: Ne pas freiner – omission, se conduire imprudemment – commission.

Cette faute se relève toutes les fois, qu’une personne manque à une obligation de prudence, de surveillance, de vigilance. Le défaut de ces obligations est une abstention dans l’action. Il est clair dans ces hypothèses, que le départ entre commission et omission est singulièrement ténu; le passage de l’une à l’autre s’opère insensiblement.

Ainsi, ont commis une faute, les gardiens de droit d’un jeune enfant de trois ans, martyrisé par un couple, gardiens de fait, auquel il avait été confié par les premiers, sans que ceux-ci se fussent renseignés sur les garanties suffisantes à exiger de gardien de fait.

Les accompagnateurs d’adolescents participant à un rallye pédestre en montagne, sans chemin obligé, ne commettent pas de faute en ne vérifiant pas, en permanence, l’itinéraire emprunté par l’un d’entre eux, alors que son âge lui permettait de comprendre le danger prévisible auquel il exposait ses camarades.

Qu’il y ait faute à s’abstenir d’agir quand on en avait l’obligation ne fait pas difficulté, mais qu’en est-il de l’abstention pure et simple de celui qui n’est tenu à aucune obligation d’agir?

Lorsqu’une personne est tenue de faire un acte positif par un texte, que ce soit un règlement ou une loi, est une faute si elle ne le fait pas. Le texte le plus célèbre est la disposition de l’article 223-6 de N. C. pén. fr. punissant de peine correctionnelle celui qui s’abstient volontairement, alors qu’il n’y avait pas de risque pour lui ou pour un tiers, d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle d’autrui ou même de porter secours à une personne en péril.

L’abstention au sens du code pénal, est une faute pénale et en même une faute civile.

L’article 491-4 du C. Civ. fr. , chargeant certains d’accomplir les actes conservatoires nécessités par la gestion d’une personne placée sous la sauvegarde de la justice, l’intéressé inactif engage sa responsabilité.

Le maître de l’ouvrage qui , bien qu’il ait connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant non agréé, s’abstient de mettre en demeure l’entrepreneur principal de faire procéder à l’acceptation de l’entreprise sous-traitante.

L’obligation d’agir à laquelle il est manqué pourrait également trouver sa source dans une coutume, voire un usage, par exemple, agit avec une légèreté coupable au regard des usages de sa corporation, le bijoutier-joaillier qui achète, et revend, des pièces d’or de collection sans vérifier le droit de propriété de leur détenteur initial.

L’absence de recherche de vices cachés pouvant affecter le bien qu’il était chargé de vendre ne constitue pas, pour le mandataire, une faute envers l’acquéreur.

L’abstention malicieuse, dictée par la volonté de nuire à autrui, mérite un sort particulier. Dès que quelqu’un a voulu, par son abstention, du mal à autrui, cette omission est fautive si un dommage en est effectivement résulté.

En dehors du cas de l’abstention malicieuse, la jurisprudence a d’abord semblé considéré que l’abstention pure et simple n’était pas fautive en l’absence de toute obligation légale d’agir.

Un père naturel ne commet pas de faute en ne reconnaissant pas son enfant.

En dehors de ces cas limites où une liberté conduit à admettre la validité de l’abstention, la règle semble aujourd’hui que l’omission est fautive, en dehors même d’une obligation légale ou réglementaire d’agir, lorsque le fait omis devait être accompli en vertu d’une obligation conventionnelle ou d’une norme professionnelle.

Dès lors, l’appréciation de la faute d’omission apparaît tout à fait comparable à celle de la faute par commission. Il est donc possible de poser la règle que toute omission est répréhensible si un homme diligent normal, placé dans les mêmes circonstances aurait agi.

La preuve du lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi par la victime, soit plus difficile à rapporter, est une autre question. Une faute par omission peut même constituer un abus de droit.

N’a pas commis ni faute ni négligence, quelconque qui puisse engager sa responsabilité, mais au contraire a fait tout ce qu’il pouvait raisonnablement entreprendre, le propriétaire qui, tant pendant l’ouverture de la chasse qu’après la fermeture, a organisé de fréquentes battues, des chasses au fusil et aux furets, a posé des grillages solidement fixés, bien toutes ces mesures n’aient pas eu pour effet la destruction des lapins et n’aient pas suffi à protéger les récoltes de blé.

L’auteur d’un ouvrage de caractère scientifique qui omet d’indiquer, au titre de ses références, l’ouvrage d’un précédent auteur dont il admet s’être inspiré, l’absence de citation du nom de cet auteur portant atteinte à son droit moral a été considérée comme fautif.

Commet une faute la société qui, dans la publicité, passe sous silence le rôle d’une dessinatrice dans l’élaboration d’une collection de tapis.

La chambre syndicale qui, dans ubrochure, publie une liste des noms et adresses des entreprises spécialisées en précisant qu’elle regroupe des fabricants sérieux, le non-adhérent, dont le nom ne figure pas sur la liste, est victime d’un acte de dénigrement par omission.

Ains, l’examen de la jurisprudence permet d’affirmer que non seulement les tribunaux se reconnaissent désormais le droit de sanctionner des abstentions comme les actes positifs, mais qu’ils tendent même à faire preuve, dans la définition de la faute d’abstention, de la même hardiesse et de la même sévérité que lorsqu’ils apprécient les fautes de commission.

II- La Faute comme élément essentiel de la responsabilité civile

La faute en général considérée comme élément essentiel de la responsabilité civile, a posé et pose toujours des questions sur la vrai portée de cet élément et ses caractéristiques nécessaires pour la mise en œuvre d’une action en responsabilité.

Ainsi, nous étudierons dans une première partie l’effectivité de la faute selon sa nature, et dans une deuxième partie, l’intérêt actuel de s’attacher à une telle conception qu’est la faute.

A-Principes de qualification de la faute contractuelle ou de la faute délictuelle

Dans un système de responsabilité fondé sur la faute, l’un des problèmes les plus importants consiste à déterminer si toute faute doit engager de la même façon la responsabilité de son auteur ou s’il convient au contraire d’introduire des nuances fondées sur la gravité de la faute et de condamner plus lourdement l’auteur d’une faute lourde ou grave ou inexcusables ou intentionnelles que l’auteur d’une faute légère.

  1.  
  2. Circonstances aggravantes de la Faute
  3. Il est indiscutable que le Droit contemporain attache parfois des conséquences à l’existence d’une faute d’une certaine gravité. Sans doute, n’est-il pas question d’en revenir à la théorie des trois fautes: lourde, légère et très légère de l’Ancien Droit. Le principe de l’unité de la faute civile demeure. Mais celle-ci peut se trouver qualifiée par la prise en compte de certaines circonstances qui l’aggravent. Et le Droit positif ne manque pas dans certains cas, de faire produire des effets sur la responsabilité civile à cette aggravation de la faute. Les effets peuvent varier en fonction de la gravité de la faute, dont les degrés donnent naissance à une pluralité de fautes qualifiées sur ses gravités.

    La faute intentionnelle, encore appelée faute dolosive est la plus grave des fautes qualifiées. C’est donc elle qui engendre les plus grandes conséquences sur la responsabilité civile. Le code civil a étendu en matière contractuelle la responsabilité du débiteur en cas de faute dolosive.

    L’article 1150 limite au dommage prévisible la réparation due par le débiteur, étant celle-ci au dommage imprévisible en cas de dol de ce dernier. L’article 1153 prévoit que le débiteur qui a causé par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant du retard mis dans le paiement d’une dette de somme d’argent, devra verser au créancier des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. La mauvaise foi permet ainsi la réparation d’un dommage que ne répareraient pas les intérêts moratoires compensant le retard dans le paiement.

    La loi du 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes d’accidents de circulation fait encore produire à la faute intentionnelle des conséquences particulières.

    La jurisprudence dans le domaine des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité a eu l’occasion d’attacher des effets à la faute intentionnelle en affirmant que le dol constitue une exception à toutes les règles.

    La faute intentionnelle est d’abord une faute, c’est à dire un manquement à une norme de conduite. Mais l’intention qualifie la faute en augmentant son degré de gravité. Or cette intention qui s’ajoute à l’illicéité objectif constitutif de la faute, est de nature subjective, elle est une relation « psychologique » de l’agent au dommage. Cet acte intentionnel se distingue de l’acte simplement volontaire en ce sens que la volonté ne porte plus seulement sur l’acte accompli ou l’activité exercée, mais sur les conséquences de l’acte, c’est à dire sur le résultat dommageable. Pour certains auteurs, la faute intentionnelle ou dolosive requiert l’intention de nuire c’est à dire l’intention malfaisante caractérisant une malignité de l’auteur.

    La volonté du dommage est généralement analysée comme la somme de deux éléments psychologiques : La prévision du dommage et son acceptation sans réserve par l’agent. Ce n’est qu’à ces conditions que le dommage a réellement été voulu et recherché.

    Sera-t-il nécessaire, pour qu’il y ait intention, que l’agent ait eu conscience ou connaissance de la certitude du dommage et non seulement de simple possibilité ou probabilité ? L’auteur d’une faute intentionnelle sait que le dommage sera la conséquence inéluctable de son acte. S’il n’envisage le dommage que comme une conséquence possible ou probable, il n’y a qu’un « dol éventuel », comme c’est le cas dans la doctrine pénaliste.

    Récemment, l’on a élargi la conception du dol contractuel. Dans la perspective de l’exécution d’un contrat, il conviendrait de tenir compte de l’existence d’une relation entre le créancier et le débiteur donnant naissance à des obligations positives. Le dol devait alors être retenu dès lors qu’il y a violation délibérée d’une obligation contractuelle. Il sera caractérisé par tout manquement volontaire à la bonne foi contractuelle et se réduira donc à la simple mauvaise foi. Certains ont suggéré de réserver la qualification de dolosive à la faute contractuelle, pour la distinguer de la faute intentionnelle délictuelle. Selon cette terminologie, le dol serait strictement contractuel.

    Dans le domaine où la jurisprudence a inauguré, en 1969, la conception élargie du dol, les arrêts postérieurs de la Cour de Cassation ont semblé consacrer la définition du dol conçu comme une manifestation de la mauvaise foi contractuelle. Une clause de non garantie des vices cachés a été ainsi écartée lorsque le débiteur, en refusant volontairement d’exécuter ces obligations, avait délibérément fait courir un risque grave à son cocontractant.

    La mauvaise foi exigée par le texte de l’article 1153 al.3 du code civil pour allouer des dommages-intérêts supplémentaires en cas de dommages indépendants du retard, était entendue de façon étroite, comme le refus délibéré d’exécuter, mais avec la conscience du préjudice qui en résulterait. Mais cette conception a été écartée au profit du refus volontaire d’exécuter le contrat alors qu’on est en mesure de le faire, même sans intention de nuire.

    En définitive, aujourd’hui, si l’on excepte les arrêts relatifs aux clauses limitatives ou exclusives de responsabilité contractuelle et l’interprétation de l’article 1153 al.4 C. Civ., la jurisprudence en est revenue à une conception étroite de la faute intentionnelle. Il n’y a pas à distinguer, comme on avait cru pouvoir le faire à une époque, entre dol délictuel et dol contractuel ou entre faute intentionnelle ou faute dolosive. La faute intentionnelle s’analyse en principe en une conscience chez l’agent de la certitude du dommage. La définition élargie qui se maintient en matière de clause d’irresponsabilité s’explique par le souci d’indemniser totalement les victimes lorsque le débiteur a été d’une particulière mauvaise foi. Mais elle se révèle finalement inutile dans la mesure où la jurisprudence, de toute façon assimile la faute lourde au dol.

    D’autre part, la faute non-intentionnelle qualifiée paraît d’emblée de moindre gravité que la faute intentionnelle. Elle s’en distingue par l’absence d’intention chez l’agent. Celui-ci n’a pas la volonté de causer le dommage et n’est jamais certain, lorsqu’il agit, que le dommage sera la conséquence de son acte.

    Les fautes qualifiées non-intentionnelles auxquelles le Droit positif attribue les effets les plus importants sont la faute lourde, et la faute inexcusable, apparue plus récemment, et se situant à un degré intermédiaire entre la faute lourde et la faute dolosive.

    Dans certains cas, la faute lourde apparaît comme une condition de la responsabilité. Une jurisprudence constante écarte les effedes clauses limitatives ou exclusives de responsabilité insérées dans les contrats en cas de faute lourde et la solution est expressément justifiée par le principe d’équipollence de la faute lourde et du dol.

    La faute lourde est souvent définie, à travers le comportemende l’agent comparée à celle que l’individu le moins avisé ou le plus sot n’aurait commise. La Cour de Cassation la définit comme la négligence d’une extrême gravité dénotant “l’inaptitude du débiteur à l’accomplissement de la mission contractuelle. Ces approches de la faute lourde mettent bien l’accent sur la particulière gravité en montrant l’importance de l’écart entre l’attitude de l’agent et la norme de comportement qu’il devait respecter.

    Plus précise est le critère qui repose sur la conscience de l’agent des risques du dommage. Il ne s’agit pas ici de la conscience de la certitude du dommage mais seulement des risques graves de dommage. Les arrêts se réfèrent fréquemment à cette connaissance que l’agent avait ou devait avoir dû danger.

    Mais les critères objectifs semblent aujourd’hui prévaloir en jurisprudence, sur les critères subjectifs. Ils peuvent tenir aussi bien aux conséquences de l’acte dommageable qu’au caractère essentiel de l’obligation inexécutée en matière contractuelle. Parfois ils ont même pour objet la personne de l’auteur, son état ou son activité.

    Il est même des cas où la gravité de la faute est déduite de la qualité de son auteur. Ainsi, la faute lourde est plus facilement retenue contre un professionnel parce qu’il a les moyens, en raison de l’exercice d’une profession, d’éviter de causer un dommage. Sans doute, il s’agit là d’une circonstance personnelle à l’agent. Mais elle est en quelque sorte objectivée car ce qui est pris en compte, pour retenir une faute lourde, c’est l’exercice d’une profession, circonstance qui se détache de la personne pour devenir une donnée objective et extérieure.

    L’analyse fait apparaître une très grande objectivité de la faute lourde. D’abord, les critères objectifs de sa définition tendent aujourd’hui à devenir prédominants, les arrêts s’attachent de plus en plus souvent à l’importance de l’obligation inexécutée ou des conséquences dommageables, voire à la profession exercée par l’agent.

    Enfin, La faute inexcusable a fait son entrée dans le Droit positif car il s’agissait de créer une faute de gravité intermédiaire entre la faute lourde, trop extensive, et la faute intentionnelle, trop restrictive.

    Les conséquences de la faute inexcusable sur la responsabilité civile sont plus limitées que celles de la faute lourde. D’abord, son domaine d’intervention est restreint, encore que son introduction dans le droit nouveau des accidents de la circulation l’ait accru. Ensuite, la portée de ses conséquences est limitée à la réparation des dommages corporels, à l’exclusion des dommages matériels.

    La loi du 2 mars 1957 dispose qu’ « est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. »

    On classe habituellement l’exigence d’une « gravité exceptionnelle » parmi les éléments objectifs de la faute inexcusable. Il est vrai que la gravité exceptionnelle caractérise l’acte dommageable.

    Les définitions de la faute inexcusable font apparaître plusieurs éléments subjectifs qui paraissent prédominants, contrairement à la notion de faute lourde où les critères objectifs prévalaient sur les critères subjectifs. La plupart de ces éléments subjectifs ne permettent pas de caractériser la faute inexcusable et de la distinguer d’autres fautes. Ces éléments communs sont, l’absence d’intention , et le caractère volontaire de l’acte. Mais l’élément véritablement caractéristique de la faute inexcusable se trouve dans la conscience qu’avait l’agent de l’éventualité d’un dommage comme conséquence de son acte.

    Toute défaillance contractuelle est de nature à justifier une action en exécution par équivalent de la part du créancier frustré. Tel est du moins le principe, conduisant notamment à ne pas distinguer selon l’imputabilité de l’inexécution : peu importe que celle-ci résulte du fait personnel du débiteur de l’obligation, du fait d’une chose dont il avait la maîtrise, ou d’un tiers l’aidant ou qu’il s’était substitué.

  4. Élargissement du régime de la défaillance contractuelle

Existe-il des régimes de défaillance contractuelle du fait d’autrui et du fait des choses, à l’instar des responsabilités délictuelles du fait d’autrui et du fait des choses ? Le débiteur contractuel est garant de l’inexécution de l’obligation convenue, que ce manquement résulte de son propre comportement, de l’utilisation d’une chose ou du fait d’un tiers.

La responsabilité contractuelle pour autrui restera longtemps un terrain relativement délaissé de la responsabilité civile. Son domaine est mal délimité car, à la différence de l’article 1384 C.Civ. fr., les textes qui organisent le régime de la défaillance contractuelle, ne contiennent aucune disposition relative à l’hypothèse dans laquelle l’inexécution, par un débiteur contractuel, de son obligation, est le fait d’un tiers.

En effet, reste-on responsable si l’inexécution de la convention provient du fait d’une personne que l’on était en droit de faire participer à l’exécution ?

Pour expliquer le fondement de cette sorte de responsabilité, les auteurs tirent leur principale argument de la rédaction de l’article 1147 C.Civ.fr. Celui qui monte une entreprise, disent-il, est responsable de l’appropriation de ses divers éléments à la besogne qu’ils doivent accomplir, il répond des agents qu’il emploie. Peu importe que l’un de ces agents se soit dérober à sa tâche, sans qu’il y ait faute du directeur de l’entreprise. Qu’il ait occasionné un dommage fortuit: L’entreprise demeure tenue de réparer ce dommage. Seule l’exonérerait la preuve que les agents du débiteur n’ont manqué à leur rôle que par suite de la pénétration d’une cause externe. L’extériorité requise pour qu’un fait imprévu libère le débiteur implique l’action d’un agent, naturel ou humain, faisant en quelque sorte irruption du dehors pour empêcher le débiteur d’exercer son action normale.

Or l’inexécution par le fait des auxiliaires dérive des conditions de l’entreprise elle-même, l’obstacle à l’exécution vient du sein de cette entreprise, il ne s’est pas formé en dehors d’elle. Le fait des agents du débiteur est un simple événement fortuit, au sens légal de ce mot, ce n’est pas un cas fortuit, caractérisé par l’extériorité et constituant une cause étrangère au sens de l’article 1147. Pour d’autres la faute d’autrui peut bien répondre aux traits caractéristiques de la force majeure, mais le débiteur reste tenu parce qu’il entre dans l’intention vraisemblable des parties que le débiteur réponde des fautes de ce qu’il emploie même de façon correcte à l’exécution de ses obligations personnelles.

Une dernière fraction de la doctrine pense que le débiteur est responsable parce qu’il assure alors la charge d’un résultat.Le débiteur qui fait ou laisse concourir des tiers à l’exécution de ses obligations répond de leur faute. Le problème est vite résolu si le débiteur a commis une faute initiale, soit en exerçant une surveillance incomplète, soit en faisant exécuter à d’autres ce qu’il eut dû faire par lui-même. Du seul fait que le débiteur a recours à des auxiliaires pour l’aider ou à plus forte raison pour le remplacer, il est responsable de leur activité comme il l’aurait été de la sienne.

La jurisprudence n’a pas hésité à retenir la responsabilité contractuelle du fait d’autrui. Nombreux sont les exemples alimentés, notamment par les contrats de prestation de service.

Ainsi, hors le régime légal de la sous-traitance, l’entrepreneur général est responsable des actes des sous-entrepreneurs.

Le fait du préposé peut également fonder la faute du commettant, exonérant le contractant de celui-ci de la responsabilité qu’il eût pu encourir. Un nouvel arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation vient en ce sens. Il a été considéré « que n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de sa mission qui lui été impartie par son commettant »

Par contre, L’inexécution contractuelle relative à la chose qui est l’objet du contrat est celle dans laquelle l’une des parties s’oblige à livrer à l’autre une chose, au sens large. Que cette chose n’apporte pas au créancier l’obligation convenue, il y a là inexécution de l’obligation.

Les règles qui régissent la responsabilité délictuelle du fait des choses ne jouent jamais lorsque le dommage causé par une chose résulte d’une défaillance contractuelle du défendeur.

Toutefois, l’intervention d’une chose dans la réalisation d’un dommage entre contractants, n’est pas sans conséquences. Il existe en effet un renforcement des obligations liées à la livraison d’une chose par le débiteur contractuel. Le fabricant ou le vendeur professionnel est tenu par une obligation de livrer une chose dépourvue de vices, ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes. Cette obligation est actuellement définie comme une obligation de sécurité de résultat, et c’est donc bien sur le terrain de la défaillance contractuelle que le débiteur est recherché.

Une autre hypothèse est que la chose n’est plus objet du contrat, mais un moyen de son exécution. Elle cause un dommage au créancier de l’obligation contractuelle. Ne s’agit-il pas alors d’une défaillance contractuelle, puisqu’il existe un contrat entre l’auteur et la victime du dommage?

Lorsqu’un contrat lie le défendeur à la victime, et que le dommage résulte de l’inexécution au sens large du contrat, la responsabilité est contractuelle, même si le dommage a été causé par une chose dont le cocontractant était gardien en ce sens qu’il en avait, selon la formule consacrée en matière délictuelle. La règle dite de non-cumul des deux ordres de responsabilité impose, en Droit positif, cette solution.

L’exclusion de l’article 1384 al.1 a été compensé par le renforcement de l’obligation principale et surtout par le développement d’une obligation de sécurité, accessoire à l’obligation principale du contrat, et qualifiée le plus souvent d’obligation de résultat.

La jurisprudence est satisfaisante pour les dommages causés aux biens par une chose qu’utilisait le débiteur en exécutant le contrat. Mais lorsque le dommage est corporel, le mieux et le plus simple serait alors que leur réparation fût régie par la responsabilité délictuelle, en l’occurrence la responsabilité délictuelle du fait des choses. Cela alors même que le dommage a été causé lors de l’exécution d’un contrat, que ce soit par la chose objet du contrat ou moyen de son exécution.

B- Importance actuelle de la Faute dans l’institution de la Responsabilité civile

L'article 1382 pose le principe fondamental de la responsabilité civile, à savoir l'indemnisation de celui, qui en raison du comportement fautif d'autrui, a subi un préjudice quelque en soit la nature.

La réparation du dommage apparaît donc comme l'élément justificatif de la responsabilité civile délictuelle, élément qui par ailleurs l'en distingue des responsabilités morale et pénale dont l'effet principal est de sanctionner l'auteur d'un comportement répréhensible.

Les rédacteurs du code civil, largement influencés par les travaux de Domat, ont axé la mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle autour de la faute. En effet, l'article 1382 stipule "que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer". Cette conception d'ordre subjectif implique nécessairement l'existence d'un fait personnel fautif.

Dès lors se pose le problème de la caractérisation de la faute qui ne fait l'objet d'aucune définition spécifique dans le Code Civil.

Ce vide est très rapidement apparu comme un obstacle à la juste protection des victimes qui pour obtenir réparation doivent supporter la charge de la preuve.

Aussi, afin qu'un déséquilibre durable ne s'installe à la défaveur des victimes, mais également en raison des progrès techniques et des risques inhérents à la modernisation, la théorie classique du fondement sur la faute fut quelque peu délaissée tout d'abord au profit de la théorie du risque élaborée par Josserand et Saleilles, puis de manière plus générale, la responsabilité civile délictuelle ne fut plus subordonnée à un fondement unique ce qui a permis, tant au législateur qu'au juge, de faire évoluer ce principe vers une responsabilité plus générale, qu'il s'agisse de la responsabilité du fait des choses ou encore du fait d'autrui.

En outre, afin de mieux appréhender l'esprit guidant à la mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle de nos jours, il convient de ne pas omettre l'importance accordée dans le système français à la collectivisation du risque (assurances, sécurité sociale, indemnisations diverses de l'État) qui a pour corollaire l'atténuation de la responsabilité individuelle ; phénomène qui conduit d'aucun à affirmer que la responsabilité civile délictuelle s'apparente aujourd'hui à une “créance d'indemnisation plutôt qu'à une dette de responsabilité”.

Néanmoins, il semblerait exagérer d'avancer que le fondement classique reposant sur la faute soit désormais caduc et cela en raison du grand nombre de décisions encore motivées par l'application de l'article 1382 et plus particulièrement pour ce qui concerne la violation des droits de la personne, ou encore du droit de propriété.

 

1 - Le déclin du rôle de la faute

La faute qui peut être intentionnelle ou non, de commission ou d'omission, d'imprudence ou de négligence suppose, dans son acception classique, un aspect subjectif qui implique l'imputabilité de celle-ci à un comportement anormal par comparaison à celui qu'aurait adopté le bon père de famille. Pour que la réparation du préjudice subi puisse intervenir, il appartient au demandeur qui fonde son action sur l'existence d'une faute d'en apporter la preuve. Or la difficulté croissante pour les victimes de supporter la charge de la preuve, notamment en raison des progrès techniques (mécanisation industrielle, automobile) a conduit tant le législateur que le juge à trouver d'autres fondements à la responsabilité civile délictuelle et cela afin de préserver l'intérêt des victimes.

Sous l'impulsion du législateur qui dès 1898 consacre l'indemnisation des victimes d'accidents du travail mais aussi grâce à la portée de la théorie du risque la jurisprudence va étendre les conditions de mise en œuvre la responsabilité civile délictuelle.

a)Un principe nouveau : l'arrêt Jand'heur (février 1930)

En donnant une lecture autonome de l'article 1384 alinéa 1, la Cour de Cassation a érigé un principe de responsabilité du fait des choses et cela en dehors de tout comportement fautif. Le gardien d'une chose est présumé responsable de cette dernière. Rappelons que le gardien est celui qui dispose d'un pouvoir d'usage, de contrôle et de direction sur la chose, et qu'il doit disposer d'une certaine autonomie.

Quant à sa capacité de discernement, originellement requise, elle est aujourd'hui abandonnée en raison de l'application de l'article 489-2 relatif aux agissements fautifs des démens qui malgré leur inaptitude au discernement sont tenus à réparation du dommage qu'ils ont causé.

L'établissement d'une présomption de responsabilité à l'égard du gardien implique que celui-ci ne peut s'exonérer de sa responsabilité au motif d'une faute qu'il n'a pas commise. Seule la force majeure qui se caractérise par son extériorité, son irrésisitibilité et son imprévisibilité peut dès lors être invoquée pour écarter cette présomption. On remarquera que cette présomption de responsabilité est quasi irréfragable ce qui a conduit certains auteurs à la qualifier de responsabilité de plein droit.

Avec l'arrêt Jand'heur s'amorce un courant d'objectivation de la faute dans un souci constant de victimisation. Cette approche consistant à ne pas considérer l'imputabilité de la faute comme un élément déterminant dans la caractérisation de celle-ci mais à apprécier le fait générateur du dommage en considération de la victime en vue de la réparation du préjudice qu'elle a subi est une constante dans l'application de la responsabilité civile délictuelle. Cphénomène s'explique très probablement en raison du développement du système de l'assurance individuelle mais aussi en regard du rôle joué par l'État providence qui lui-même se substitue au particulier défaillant pour certaines formes d'indemnisations (fonds de garantie) ou encore lorsqu'il s'agit d'indemnisations particulères telles que celles des victimes d'actes terroristes ou les malades du sida contaminés par voie de transfusion sanguine.

L'objectivation de la faute a très probablement trouvé son apogée dans la loi Badinter de 1985 visant à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation dont nous allons à présent étudier l'historique, le contenu et la portée.

b) La loi Badinter :

La loi Badinter de 1985 est la résultante de l'arrêt Desmares rendu en 1982 par la Cour de Cassation qui précisait que la faute de la victime en matière d'accident de la circulation n'était pas une cause d'exonération de responsabilité pour l'auteur du dommage sauf si elle était la conséquence de la force majeure.

En effet, les victimes d'accidents de la circulation éprouvaient des difficultés importantes pour obtenir réparation du préjudice qu'elles avaient subi parce qu'elles ne pouvaient fonder leur action que sur les articles 1382 ou 1384 al 1 au risque de se voir opposer leur propre faute ce qui a conduit à un déséquilibre entre auteur du dommage, couvert par une assurance obligatoire assumant financièrement le risque et victime ne pouvant faire valoir leur droit à indemnisation.

Aussi afin d'apporter un correctif à cette situation, la Cour de Cassation en statuant en la faveur des victimes dans l'arrêt Desmares a contraint le législateur à prendre en compte l'intérêt des victimes (plutôt que celui du lobby des assureurs) par l'instauration d'un régime particulier d'indemnisation plus favorable que le régime de droit commun.

Cette loi s'applique à toute personne victime d'un dommage survenu lors d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur. Remarquons qu'un sens large a été donné aux notions de circulation, de véhicule terrestre et de circulation afin d'élargir le champ de prise en compte des victimes. Le dommage ouvrant droit à réparation peut être de nature physique (atteinte aux personnes qu'il s'agisse de piétons, passagers ou conducteurs) ou matérielle (atteinte aux biens).

L'objectif de la loi Badinter étant d'instaurer un système dérogatoire d'indemnisation à la faveur des victimes, le législateur s'est interrogé sur l'importance de la faute du fait de ces dernières comme motif d'exclusion de l'indemnisation. A cet égard l'incidence de l'arrêt Desmares est fondamentale. En effet, l'indemnisation des victimes est subordonnée à la condition qu'elles n'aient pas volontairement cherché le dommage subi, ou encore aux conditions cumulatives suivantes qu'elles n'aient pas commis de faute inexcusable, mais encore faut-il que celle-ci soit à l'origine exclusive de l'accident.

Une telle définition laisse apparaître un contexte d'indemnisation excessivement favorable aux victimes quand bien même une faute, appréciée in concreto, peut leur être imputée. On peut donc avancer en cela que la loi de juillet 1985 instaure une créance d'indemnisation au profit des victimes des accidents de la circulation.

Outre l'interprétation donnée par la jurisprudence à l'article 1384 alinéa 1 conduisant à établir une responsabilité du fait des choses pour des cas autres que ceux prévus dans les articles 1385 et 1386 relatifs à la responsabilité des animaux et de la ruine des bâtiments espèces auxquelles peuvent être rattachée une présomption de faute plus que de responsabilité de plein droit et l'influence de la loi Badinter de 1985, d'autres causes ont contribué au déclin de la théorie classique de la faute, et plus précisément la responsabilité du fait d'autrui et ce qu'il s'agisse principe général ou des régimes particuliers.

 

c) La responsabilité du fait d'autrui: L'arrêt Blieck (1991)

L'arrêt Blieck a pour effet de poser un principe de responsabilité général du fait d'autrui, ce que la jurisprudence s'était refusée à faire pendant de nombreuses années. Les commentateurs ont vu dans cet arrêt la consécration d'un principe général de la responsabilité du fait d'autrui.

Cependant il faut remarquer que l'application de celui-ci n'a jusqu'à maintenant concerné que des personnes morales (associations sportives), la Cour de Cassation en ayant refusé son application à des personnes physiques (grands-parents, instituteurs).

Cette position s'explique très probablement par le fait qu'en statuant conformément au principe édicté en 1991, certaines personnes se verraient soumises à un régime tout aussi strict que ceux concernant certains régimes particuliers de la responsabilité du fait d'autrui. Dans ce domaine nous nous proposons d'étudier l'évolution de la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs qui accuse elle aussi un déclin de la faute.

 

d) La responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur

 

Jusqu'en 1997, la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur placé sous leur surveillance reposait sur une présomption de faute, qu'il s'agisse d'une faute d'éducation ou d'une faute de surveillance. La présomption pouvait donc être renversée en apportant la preuve qu'aucune faute n'avait été commise par les parents ou encore en invoquant la force majeure.

En 1997, la Cour de Cassation a modifié ce régime lors du rendu de l'arrêt Bertrand qui pose un principe de responsabilité de plein droit.

Dans cette décision qui s'inscrit dans la lignée de l'arrêt Blieck, on peut également trouver une application de la théorie du risque créé lié à l'exercice de l'autorité parentale. Il se trouve donc que les seuls facteurs d'exonération de responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur sont la faute de la victime, et la force majeure. Mais encore faut-il pour que s'applique cette présomption qu'une condition de cohabitation entre parents et enfant soit remplie.

Là encore on tend vers une responsabilité objective visant à une juste indemnisation des victimes.

Même si cette responsabilité de plein de droit n'a pas encore été appliquée à la responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis dont le fondement réside encore sur une présomption de faute, on peut légitimement penser que celle-ci évoluera vers une responsabilité de plein droit en raison des similitudes que présente le régime des artisans avec celui sur lequel était calqué le régime des parents avant le tournant amorcé en 1997.

Volontairement nous n'aborderons pas la responsabilité relative aux commettants du fait de leurs préposés celle-ci étant de plein droit de par la rédaction même de l'article 1384 alinéa 5.

Dans cette première partie nous nous sommes attachés à démontrer le déclin de la théorie classique de la faute en matière de responsabilité civile délictuelle. Nous chercherons dans un second temps à relativiser ce propos en tentant de nous interroger sur l'éventuel renouveau de la faute civile, et ce à la lumière de la décision récente du Procureur Général près de la Cour de Cassation qui demandera à ce que soit cassé le jugement rendu dans l'affaire du Drac pour tendre vers une "dépénalisation de la faute" et donc vers une appréciation in concreto de celle-ci.

 

2- Vers un renouveau de la faute civile ?

Cette interrogation appelle une première remarque concernant les articles 1382 et 1383. En effet, ces deux articles ne sont pas abrogés et un certain nombre de décisions sont encore motivées sur ces bases, ce qui tend à souligner que le fondement de la responsabilité civile délictuelle sur la faute existe toujours malgré un certain recul.

De plus, le Conseil Constitutionnel a confirmé qu'il n'existait pas de régimes dérogatoires et que toute faute devait entraîner réparation. Ceci confirme la reconnaissance du principe fondé sur la faute. Afin d'illustrer notre propos, nous allons à présent évoquer les régimes de responsabilités reposant sur une faute prouvée.

 

a) Les régimes de responsabilités reposant sur une faute prouvée

-La responsabilité des enseignants du fait de leurs élèves :

Ce systèmde responsabilité est régi par la loi du 5 avril 1937 (art 1384 c.civ). Il appartient au demandeur à l'instance de prouver qu'une faute de l'enseignant a eu pour corollaire un fait dommageable du fait de ses élèves.

L'appréciation de la faute dépend de l'âge des enfants et des circonstances invoquées. Bien qu'exerçant un pouvoir de contrôle direction, il ne pèse pas sur l'enseignant une responsabilité de plein droit, ni même une présomption de faute. Si la faute de l'enseignant est avérée, c'est alors la responsabilité de l'État qui est engagée par substitution, et malgré cela la juridiction compétente relèvera de l'ordre judiciaire et non pas de l'ordre administratif.

-La responsabilité en cas de propagation d'incendie :

Il s'agit d'un régime spécifique auquel ne peut être appliqué l'article 1384 al 1 et dont les conditions d'application sont strictes. Pour obtenir réparation, le demandeur à l'instance devra prouver que l'incendie est imputable à une faute du gardien et ce qu'il s'agisse d'un bien meuble ou immeuble.(art 1384 al 2 C.Civ.fr.).

Hormis ces régimes particuliers fondés sur la faute prouvée, il est intéressant d'envisager le rôle de la faute lorsqu'elle est due au fait de la victime.

 

b) La faute commise par la victime:

Nous apprécierons cette composante d'une part lorsque la victime est capable puis ensuite lorsque celle-ci relève du régime des incapables (démens - infans)

-Rôle de la faute commise par une victime capable :

Pour ce qui concerne la responsabilité du fait personnel, le principe veut que la faute de la victime conduise à un partage de responsabilité, partage qui s'apprécie en regard de la faute commise par chacune des parties dans la réalisation du fait dommageable. On peut donc en conclure que la faute de la victime n'est pas une clause d'exonération totale pour l'auteur du préjudice.

En matière de responsabilité du fait des choses, hors contexte posé par la loi du 5 juillet 1985, le gardien pouvait s'exonérer en partie de sa responsabilité s'il apportait la preuve d'un agissement fautif du fait de la victime. L'arrêt Desmares renversa cette tendance.

Cependant, un revirement jurisprudentiel est intervenu en 1987, et le gardien peut à nouveau prendre à une exonération de responsabilité en prouvant que la faute de la victime a eu une incidence dans la réalisation du dommage. Ce que certains commentateurs ont illustré par la formule "Desmares est mort !".

-Rôle de la faute commise par une victime incapable :

Par la loi du 3 janvier 1968 (art 489-2 C.Civ.fr.), le législateur a imposé la réparation du dommage causé par le comportement fautif du démens malgré son absence de discernement.

La Cour de Cassation a étendu ce principe à l'infans après de nombreuses hésitations. Les juges ont, dans un premier temps, été amenés à se prononcer dans l'hypothèse de l'infans victime ayant commis une faute.

En regard des dispositions de l'article 489-2, les juges en ont conclu que l'absence de discernement de l'infans n'était pas un obstacle à ce que celui ci commette une faute, faute conduisant à un partage de responsabilité. En reconnaissant la faute de l'enfant victime, la faute de l'enfant auteur en a découlé naturellement.

La faute commise par un incapable, démens ou infans, conduit là encore à un partage de responsabilité.

On remarquera que, paradoxalement, la tendance à l'objectivation de la faute a eu pour effet de recentrer le débat sur la faute.

Sans présager de ce que sera la décision de la Haute Juridiction dans l'affaire du Drac, nous pouvons d'ores et déjà nous interroger sur les répercussions possibles si dès lors les magistrats suivaient la proposition du Procureur Général, notamment pour ce qui concerne le rôle de la faute civile dans la mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle.